Point de vue des économistes

Par ici la monnaie - Petite métaphysique du Fric

Par Paul CLAVIER – Éditions du Cerf – 180 pages

« Qu’est-ce que la monnaie ? un bien réel ou un moyen de paiement ? une réalité en soi, ou le symbole d’une transaction ?  Mais si la monnaie n’est fondamentalement  qu’une  reconnaissance de  dettes, la question est de savoir qui doit quoi et à qui ». 

C’est par ces questions  aussi fondamentales que la philosophie qu’il professe que l’auteur ouvre  sa réflexion qui a toute l’apparence d’une aimable provocation. Mais il n’en est rien car, s’il  s’abstient d’entrer dans le « débat  sans  fin » qui  oppose les partisans et les  adversaires du système monétaire et financier existant,  s’il évacue les considérations trop  techniques, s’il préfère s’interroger sur la réalité à laquelle correspond cette « monnaie » et à quoi elle est employée plutôt que de savoir comment en détail elle est émise,  il n’hésite pas pour autant à examiner les fondamentaux  de l’orthodoxie monétaire :    qui a raison ?

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Point de vue des économistes

Les banques sont des miroirs... des contradictions de notre société

Comme à chaque  crise, le procès « des Banques »  s’instruit  sur la place publique, à grand renfort médiatique de débats des nouveaux Saint-JUST :

Ceux de la Classe Politique  qui en «  même  temps » appellent à leur solidarité et se servent d’elles  sans  vergogne comme  écran  de fumée  pour masquer leurs propres  responsabilités.

 Tout autant de gémissements, du coté des syndicalistes autoproclamés en « autorité morale » à défaut de légitimité démocratique, aux mots  jamais assez durs contre les « ..  spéculateur… ».

Ils oublient ainsi au passage qu’avec les taux d’intérêts négatifs et la réglementation européenne spoliatrice, le  système  bancaire  français est le moins  rentable  du monde   jusqu’à décider de  grands  réseaux ( HSBC ) et leurs actionnaires à quitter  l’hexagone..

 Demain il faudra bien que le consommateur paie enfin le vrai prix des services de l’ Industrie bancaire,(réseaux sécurisés,  traitement des chèques, distributeurs de billets, sécurités monétaires etc) dont les coûts trop longtemps masqués par l’aubaine de la « transformation » ( des  dépôts des clients  en  crédits) ont été minimisés par les autorités politiques en toute  démagogie. 

      L’autre grande obsession syndicale, partagée par «les populistes de tous poils » est la haine  des  actionnaires et de leurs  dividendes .

  Certains, se croient investis d’un pouvoir de recommandation de bonne  gouvernance aux «  grands  groupes »  comme  s’ ils pouvaient  avancer à coté de leur « métier  de  permanent  syndicaliste  » la moindre expérience réussie  dans la  gestion et la  gouvernance   du  secteur productif … ( alors que que 97% des salariés  du secteur privé ne leur font pas  confiance !!!).

Au passage  «  ils tirent contre leur « propre camp » , car c’ est bien  dans les  grands groupes  que l’actionnariat salarié  est le plus développé.

   De surcroît ils méconnaissent la  réalité  du partage de la valeur par le  secteur productif :

    91%**pour « les Parties Prenantes » (71% pour les salariés , 20% pour l’Etat ) et la plus petite part… 9% pour les  actionnaires … qui en sont il  faut le  rappeler, les « Propriétaires« , droit  sacré constitutionnellement (.** étude de  L’Institut MOLINARI août 2018)…

    Que peut nous dire un tel consensus dans un pays ou tous débats économiques ne peut  s’appuyer que sur des  dogmes , des  croyances et  déclenchent controverses et passions..

La première piste de réponse est historique:

une culture nationale «d’héritage révolutionnaire » : contre les bourgeois, les riches,  les instruments de leur pouvoir, « l’argent et les banques » :

Si on ajoute à cela 50 ans de doctrine économique universitaire majoritairement d’inspiration marxiste dont il résulte une inculture économique de la société civile assez terrifiante, on comprend le retour de cette tentation du bouc émissaire  qui frappe les Banques.

Mais à bien y regarder, les banques françaises n’ont rien à se reprocher qui puisse justifier ces propos haineux, et cette volonté « de les mettre au pas », ou sous tutelle;

Victimes de la crise mondiale de 2008, elles ont été, d abord taxées à travers le soutien à leur trésorerie à hauteur de 2 milliards d’euros ce qui est un comble :

Sauf exception, pour quelques établissements, elles n‘ont enregistré que des dégâts collatéraux du système installé par les dérives des banques Anglo-saxonnes( subprimes et autres toxicités), d’ailleurs elles sont sorties renforcées relativement à leurs consœurs Anglo-saxonnes de la première crise : quant à la crise de la dette, peut-on sans être ignorant ou totalement hypocrite, leur reprocher d’avoir donner la priorité à leur mission première de financement de l’économie, en répondant aux demandes insistantes de financement des Etats européens (ayant passé les stress test de l’entrée à l’Europe).

Que l’on sache les Etats sont des acteurs majeurs de l’économie, dirigés en principe par des hommes politiques responsables et démocratiquement élus en charge des finances publiques et de la dette : la faute à qui si aujourd’hui ces pays sont en situation de grande fragilité ?

Puis, se fut le tour des « régulateurs européens » de faire valoir sur le dos des banques, leurs interprétations hasardeuses  «  anti crise systémique » :

plus de fonds propres, plus de règles, plus de normes, ..las, ces experts sont en retard d’une guerre de la finance :

aujourd’hui « les Shadow-banque », les fonds apatrides, hedge funds, installés dans des paradis fiscaux, etc… (c’est à dire l’ensemble des acteurs qui échappent au périmètre «repérable et régulable» constitué par les banques et établissements financiers dépendant d’un cadre institutionnel) pèsent … dix fois le Pib américain !!!

C’est à dire des volumes considérables « totalement décorellés des mesures de contrôles classiques, et qui bien souvent se nourrissent des trous noirs que crée une régulation partielle et donc improductive.

 

Tel est donc ce qui se cache derrière ce déni « politique » de réalité : une crise de solvabilité des ETATS  du monde occidental dont les banques sont à la fois les victimes et les bouc émissaires, dans ce sens les banques sont des miroirs de la Société et du temps dans laquelle elles évoluent :

  • les miroirs d’une forme de décadence intellectuelle et morale, venue d’abord du monde Anglo-Saxon, copiée partiellement par le reste du monde, qui a laissé par complicité objective d’intérêt, ses places financières, Wall Street et la City, échapper à tout contrôle, avec des instruments, les bonus, et des acteurs « deus ex machina », les traders, exacerbant la cupidité et les visions court-termistes.
  • les miroirs aussi d’une pathologie du politique, qui par ses indécisions, ses atermoiements, et son insuffisance de courage moral à alimenter la crise de solvabilité des Etats, en entretenant l’inquiétude des marchés, et en s’évertuant en toute hypocrisie, à laisser croire à l’opinion, déjà largement dogmatiquement convaincue, que la crise de la dette vient de l’action des banques,
  • les miroirs enfin de l’absence de mémoire de nos dirigeants qui avec une tendance masochiste aggravée, ressortent toujours les vielles recettes, pourtant usées par l’Histoire jusqu’à la corde (qui, espérons le, comme le prétendait Marx, ne servira pas à les  pendre !) :
  • plus de contrôles et plus d’ETAT.
  • On voit mal  comment il pourrait en aller autrement de ce qui hier a fait naître les plus belles Berezina financières sous la direction et le contrôle des représentants de l’Etat ou issus de « l’école » de l’administration : le crédit lyonnais et Dexia,  (avec des  exigences de rémunérations annexes qui , n’ont rien eu à envier aux pires pratiques du secteur  privé. ».

Les tenants du « capitalisme totalitaire », versus national, dont la CHINE est le grand champion, devraient avoir en tête cette autre  réalité «..les banques dans ce système consentent des prêts sur injonction du parti, lèsent les épargnants au profit des entreprises publiques… »…. voila le modèle.

Aussi, serions nous  bien inspirés de trouver des solutions plus démocratiques que la mise sous tutelle des banques françaises :

 -les banques sont des miroirs de la société dans laquelle elles s’insèrent en acteur central de l’économie :

– il n’y a pas de pays prospères sans banques prospères, rentables et fortes, ce qui suppose des fonds propres importants donc des profits et ..des actionnaires .. pas  de dividendes pour rémunérer le risque de l’investissement… pas  d’ actionnaires !!!

Rien n’est plus contre-productif que la logique du bouc émissaire dans une stratégie de long terme : s’en prendre à son système bancaire dont la puissance est l’un des instruments de la souveraineté des Etats, c’est agir contre ses propres intérêts,  c’est se tromper  de guerre contre  «  l’ennemi  invisible »..  c’est à dire cette lâcheté collective qui consiste à passer « la patate chaude » aux prochaines générations .. dettes  , retraites ,  etc..

Le bouc émissaire selon la légende, était envoyé dans le désert pour expier les péchés du peuple : mais pour traverser les terres arides qui s’annoncent pour la prochaine décennie, la le risque serait de se laisser tenter par les « petits lapins sortis » du chapeau des adeptes de la baguette magique, dont les détracteurs des banques sont les premiers représentants.

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Point de vue des économistes

Le secret néolibéral - Jean-Luc GREAU

Pour Jean-Luc GREAU, auteur reconnu et engagé, grand observateur du Capitalisme et de ses dérives réelles ou supposées, savoir si l’expérience néolibérale que nous connaissons depuis quarante ans est positive ou non reste un faux débat, celui d’un prétendu retour aux sources du Capitalisme… D’un coté, en effet, les idéologues néolibéraux ne se cantonnent pas seulement à prôner les avantages du libre-échange, mais le présente comme le moyen décisif de surmonter les nationalismes. « Au nom d’une coopération volontaire des peuples, alors même qu’ils nous ont été imposés par le gant de fer des grands agents financiers et, que les juges peuvent démanteler pierre à pierre les Etats » et que, de l’autre, l’expérience soviétique s’est appuyée sur une  représentation du monde en noir ou blanc pour disqualifier ses critiques « Incriminer la propriété et le marché et placer le travail humain sous le gant de fer du Parti et démanteler les institutions de la démocratie bourgeoise ».

Le Néolibéralisme n’a donc pas inventé cet esprit manipulatoire qui fait florès dans chaque régime et chaque époque de « civilisations ». Mais son « secret » semble donc tenir sur « une double main mise des financiers et des Juges, sur les Entreprises et les Etats, dont les pouvoirs économique, financier et législatif ont été réduits a leur portion congrue ». Mondialisation et financiarisation allant ainsi de pair pour la meilleure création de valeur de l’actionnaire… Pour l’auteur, le système financier nouveau qui en résulte porte en lui les germes d’une révolution bancaire entraînant la déresponsabilisation des banques commerciales et une forme de privatisation des banques centrales… Dans ce nouvel et brillant essai l’auteur plaide pour mettre fin à cet engrenage et propose des pistes originales pour y parvenir, car « la morale chasse le politique et ouvre des espaces de domination pour les bureaucrates ». Jean-Luc  GRÉAU, ou comment  se soustraire à l’emprise néolibérale, vaste et fertile débat !

Gallimard – 156 pages – 15 euros

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L'économie à l'épreuve des faits - Francisco SARACENO

« ..Comprendre les controverses du passé pour éclairer les défis de la Société », telle  est la noble tâche à laquelle s’attache l’auteur, en publiant ce petit fascicule aussi précis que précieux pour tous publics.

Adoptant une approche « historique », Francesco SARACENO, enseignant dans de prestigieuses grandes écoles européennes (OFCE, Sciences- Po, la SEP, etc.),expose de façon rigoureuse et très documentée le « combat des idées » qui ont traversé, au cours des siècles, l’ économie et… les économistes :

Le  développement de la macro-économie, ses régulations, par les marchés et/ou les autorités publiques, mais aussi les affrontements sans cesse réactualisés des « écoles » de pensées, néoclassique, keynésienne, post moderne etc…

Mais l’un des grands intérêts de  cette parution réside dans ses apports, factuels, sous forme de « focus » qui lient l’ histoire des idées et les faits, avec les débats de politique économique contemporaine. En effet, bien souvent dans les commentaires médiatiques  et, (pire, académiques compris), la réalité et les faits, mesurables et mesurés, s’effacent devant le dogmatisme et le « ressenti », pour obscurcir la compréhension de la transformation perpétuelle que les économies éprouvent.

Bref, une épreuve de vérité, susceptible sur bien des points de tempérer l’observation récente et paradoxale du prix Nobel d’économie Paul ROMER  « Il faut réduire l’influence politique des économistes… car ils ne peuvent pas prétendre savoir ce qui est juste ».

Mais preuve est faite qu’ils sont aussi en capacité d’apporter des éléments objectifs de décryptage des choix possibles au plan politique et économique ,en toute humilité.

Ce n’ est pas le moindre des mérites  du professeur SARACENO, et de l’école Supérieure de la Banque, qui, avec René DESBIOLLES, et la Revue Banque sont à l’initiative de cette nouvelle et prometteuse collection, dont le titre « Transformation » est déjà tout un programme.

Revue BANQUE – 132 pages – 20 euros


Francesco SARACENO est directeur adjoint du département de l’Ofce-Sciences-Po, auteur et enseignant notamment du Master Affaires Européennes à Sciences-Po

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La société du "ressenti"

Dans  le début de cet été caniculaire, une nouvelle parution (1) de l’un de nos plus grands démographes nationaux, Hervé le  BRAS s’annonce  déjà  comme un futur grand « classique », au même titre que purent le prétendre, «la Société de défiance »  (Ulm) de nos amis  les  économistes Algan et  Cahuc en 2008, ou  « l’ Economie  du bien commun » (Puf 2016) de Jean TIROLE.

 En effet, chacun de ces essais a su mettre en lumière les fractures  de «notre doux  et beau pays », les racines du «mal-être  d’une France, profondément étatique (l’arbitrage de l’Etat est en permanence  exigé par les  acteurs) et, corporatiste (les  droits sociaux  dépendants largement  du  statut ou de la profession)  .

 La France reste bien installée, en tête des pays où la méfiance envers les  acteurs et les institutions  est la plus élevée et, où l’écart entre la perception de la situation individuelle (ressentie comme durablement  médiocre  par le plus grand nombre)  et celle du pays (plutôt confortable) est abyssal…

 Telle  est la «situation paradoxale» de notre France  que Hervé Le  BRAS  s’ attache à analyser, sans prendre parti, mais avec l’acuité du  regard de son exceptionnelle  expertise : une lecture fine des sondages et des études disponibles, de l’examen méticuleux des  faits eux-mêmes, dépollués de l’imaginaire qui les accompagne, en les comparant aux résultats  des différents pays européens. Partant du constat que la France  est l’un  des pays le plus égalitaire en Europe  et dans le monde, l’un de ceux qui procède à la plus large  redistribution  sociale (15% de la totalité au plan planétaire !!!) ,  l’ auteur s’interroge à nouveau  et légitimement  sur les  raisons (de  sociologie politique notamment)  de cette contradiction entre l’état réel et objectif du pays – bon-, (attractivité  forte, baisse du chômage, soutien du pouvoir d’achat par l’endettement  – excessif ? – de l’Etat   etc.. )  et le  sentiment subjectif, pessimiste, le «ressenti » largement  négatif  de nos concitoyens …

Ainsi pour l’ auteur, notre pays  est dans une  situation proche  de ce que l’on peut espérer de mieux, eu égard  à notre potentiel de production de richesses  (sans  rentes..) et de compétitivité mondiale, avec des inégalités  de surcroît qui n’ont que peu augmenté et où la pauvreté  est l’ une  des mieux contenues .

 D’évidence, ces propos dénotent dans un contexte où « Gilets jaunes » et autres Râleurs impénitents  s’en  donnent à cœur joie.

Mais cette « France malheureuse » dans laquelle s’identifient particulièrement les villes et les classes moyennes, confortées dans leur sentiment par une  large partie de la classe politique  d’opposition, devrait pouvoir aussi  se regarder en face …Se demander  notamment si sa tendance naturelle vers une forme d’ignorance (volontaire ou culturelle)  des  réalités économiques , forme parfaite de l’irresponsabilité, n’est pas de nature à expliquer un malaise français plus général. Comme si  :

 « … L’important paraissait de moins en moins, ce qui  est, se mesure ou  se constate, mais  seulement  ce que l’on croit, craint ou  rêve… ».

  Jean Louis  Chambon Président du cercle TURGOT

 Hervé le BRAS, démographe , auteur,  et chercheur émérite (ined)

(1) « Se sentir mal dans une France qui va bien »,  Editions de l’Aube.

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