Une relation en forte croissance et à la croisée des chemins
La République populaire de Chine est devenue depuis le début des années 2000 l’un des plus importants partenaires commerciaux des pays d’Amérique latine-Caraïbes (ALC).
Le volume des échanges en marchandises entre la Chine et l’ALC est passé de 10 milliards de dollars pendant la décennie 1990-2000 à près de 266 milliards de dollars en 2017 (1). Cette très forte croissance s’inscrit dans la volonté d’atteindre l’objectif de 500 milliards de dollars d’échanges multilatéraux dès 2025.
La RPC a intégré depuis plusieurs années les spécificités du continent et s’adapte aux évolutions de la région : les relations privilégiées avec le Vénézuéla, l’Argentine se sont désormais doublées de liens avec le Brésil, le Mexique ou le Pérou. En Amérique centrale, le Panama, le Costa Rica et le Nicaragua naturellement ont engagé des relations avec Beijing, renforçant la présence territoriale de la Chine sur le continent.
Les échanges économiques et commerciaux entre les deux régions se sont diversifiés grâce à une série d’accords et de nombreuses rencontres bilatérales (Pérou, Uruguay, Brésil, Argentine et Mexique) qui ont renforcé les relations économiques. Par exemple, en 2016, les investissements chinois en Amérique latine avaient atteint 29,8 milliards de dollars avec une diversification des types d’investissements (notamment dans le domaine des fusions-acquisitions). Le montant des contrats des entreprises d’ingénierie chinoises en Amérique latine avait atteint 19,12 milliards de dollars.
Depuis, les niveaux des investissements n’ont pas cessé de croître. Les zones de libre échange constituent un secteur qui intéresse particulièrement, les groupes chinois.
La Chine manifeste un intérêt croissant pour l’Amérique latine pour plusieurs raisons : la première est évidemment économique et restent liées aux matières premières et aux ressources énergétiques dont la RPC a besoin pour garantir son niveau de croissance et de consommation. Cet intérêt vise à diversifier leur approvisionnement. En contrepartie, la Chine intensifie ses investissements en Amérique latine, notamment dans l’exploitation minière, les hydrocarbures, comme dans les infrastructures ferroviaires et la sidérurgie à la fois pour alimenter sa consommation intérieure, tout en ouvrant de nouveaux marchés pour ses entreprises. En multipliant ses investissements, la Chine se crée de nouveaux alliés géostratégiques. Elle parvient également à réduire les coûts et délais d’acheminement des matières premières et des ressources énergétiques dont elle a besoin.
Outre le commerce, la RPC est aussi devenue un important investisseur et fournisseur de capitaux sous forme de prêts pour un nombre croissant de pays de l’Amérique latine-Caraïbes. Le montant de ses prêts a pratiquement doublé alors même que le financement des banques de développement occidentales connaissait au contraire une diminution, certes graduelle, mais réelle. Par exemple, en 2010 et en 2015, ils atteignaient respectivement 36 et 29,1 milliards de US dollars. Le montant des prêts concédés par la Chine a dépassé ceux combinés de la Banque mondiale, de la Banque interaméricaine de développement (BID) et de la Corporation andine de développement (CAF). Cette stratégie accompagne la volonté de faire passer le commerce entre la RPC et l’Amérique latine à 500 milliards de dollars d’ici 2025. Cet objectif avait été annoncé lors du sommet de Brasilia en juillet 2014. Depuis, la RPC renforce son objectif de renforcement de présence en invitant les pays du continent à rejoindre son initiative de la route de la soie.
Bien entendu, l’objectif final est d’implanter un « soft power » qui permet à la RPC d’engager une relation sur tous les fronts : diplomatiques, politiques, technologiques. Les sujets relatifs à la sécurité sont restés jusqu’à présent très relatifs mais ils commencent à émerger.
Un exemple de ces avancées chinoises est El Salvador en Amérique centrale. Après le Panama, le Costa Rica et naturellement le Nicaragua, El Salvador a reconnu, durant le mois d’août dernier, la RPC rompant ainsi avec Taiwan. Cette reconnaissance s’est accompagnée d’un débat notamment sur une possible présence chinoise dans la zone de libre échange de Acajutla, qui, dans le nord ouest du pays, compte un port en eau profonde. Avec ce pays, la RPC renforce sa présence dans l’isthme centraméricain qui reste stratégique par sa présence géographique entre le Mexique et l’Amérique du Sud, entre Atlantique et Pacifique.
Des rencontres régulières sur les questions régionales et internationales sont organisées par la RPC sur tous les sujets d’intérêt commun : la coopération, les questions agricoles, les infrastructures, Business forum, sans parler des rencontres des BRICs organisées par Beijing.
Autant dire que l’Amérique latine est devenue un continent présentant des enjeux de premier plan pour des puissances comme la République populaire de Chine. Une réalité nouvelle qui n’aura de cesse de provoquer des alliances avec des pays voulant rechercher de nouveaux marchés en Amérique latine, tels la Turquie, la Russie ou la Corée et, par ailleurs, des tensions avec des partenaires tout autant présents comme les Etats-Unis et peut être, l’Union européenne.