Le Dow Jones à près de 25 000 points, le Nasdaq à 7 000 points (dans les deux cas des nouveaux sommets historiques), des taux d’intérêt négatifs pour les obligations de l’Etat français jusqu’aux échéances de cinq ans, le bitcoin à 20 000 dollars…
Soyons honnêtes et réalistes, ayons le courage de l’écrire : face à de telles évolutions, nous sommes complètement dépassés. Non seulement parce qu’à l’instar de la très grande majorité des prévisionnistes, économistes et analystes en tous genres, nous n’avions pas prévu de tels excès, mais aussi parce que nous avouons humblement que nous ne comprenons pas, dans le sens épistémologique du terme, de tels phénomènes.
Evidemment, l’envolée des marchés boursiers et obligataires peut en partie s’expliquer par le caractère extrêmement accommodant des politiques monétaires à travers le monde et par la profusion de liquidités gratuites, notamment au sein de la zone euro, du Japon et du Royaume-Uni.
De même, la flambée inextinguible du cours du Bitcoin tient notamment au fait que plus de 90 % des bitcoins sont détenus par 5 % des intervenants sur ce marché, qui est ainsi devenu l’une des plateformes privilégiées du blanchiment de l’argent sale à l’échelle planétaire. Dès lors, tant que les autorités financières internationales n’auront pas légiféré, rien ne semble pouvoir stopper cette dangereuse spéculation.
C’est d’ailleurs parce qu’elles sont en partie explicables que de nombreux observateurs des marchés n’osent toujours pas qualifier ces évolutions extravagantes par le terme de bulle. Pourtant, tel est bien le cas. En effet, une bulle est tout simplement un écart cumulatif et auto-entretenu entre la valeur financière des actifs financiers et leur valeur réelle, c’est-à-dire celle correspondant à la réalité économique. Si l’excès de liquidités mondiales a participé à alimenter cette bulle, il ne peut cependant aller à l’encontre d’une loi physique incontournable : les arbres ne montent pas au ciel.
Et même si le ciel est très haut, les niveaux actuellement atteints par le Dow Jones et le Nasdaq défient l’entendement. Et pour cause : normalement les variables boursières doivent refléter une réalité économique concrète. Ainsi, la corrélation historique entre le Dow Jones et la croissance mondiale indique que pour justifier l’atteinte des 24 000 points par le premier, la seconde doit dépasser les 8 %.
Or, dans le meilleur des cas, elle sera d’environ 3,5 % en 2017. Ce qui restera une excellente performance, mais insuffisante pour valider définitivement la récente flambée des indices boursiers internationaux. Et ce d’autant que les risques politiques, économiques et financiers sont pléthore et surtout que la croissance mondiale va forcément ralentir en 2018.
Tout d’abord, la croissance chinoise va logiquement décélérer vers 6 %. Le problème est que, depuis une vingtaine d’années, la contribution de la Chine à la croissance mondiale oscille entre 30 et 50 %. Dès lors, si la locomotive de la planète freine, l’ensemble du train ne peut que suivre. Et ce d’autant qu’il n’existe pas d’alternative crédible. L’inde n’est pas suffisamment puissante et a dernièrement fait preuve d’une certaine fragilité, le Brésil, l’Argentine et la Russie vont mieux mais restent également fragiles. Quant aux Etats-Unis, ils ne parviennent plus à réaliser une croissance durablement supérieure à 2,5 %. Enfin, la zone euro, en dépit de soutiens exceptionnels et une fois l’effet de rattrapage passé, elle peinera à dépasser les 2 % de croissance.
Dans ce cadre, le ralentissement de la croissance mondiale apparaît inévitable. Il ne sera certes pas dramatique mais, cette dernière devrait passer d’un niveau moyen de 3,5 % depuis une trentaine d’années à environ 3,1 % en 2018, voire un peu moins en 2019. Face à ce ralentissement, les marchés boursiers doivent donc logiquement corriger leurs excès. Selon nos estimations, ils devraient baisser d’au moins 15 % au cours des prochains mois, avec, parallèlement, une volatilité extrême. Bien entendu, plus la bulle ira loin, plus cet ajustement baissier sera fort. En conclusion, nous rappellerons cet adage de bon sens : mieux vaut prévenir que guérir.