Par Jean-Pierre ESTIVAL – L’Harmattan – 240 pages
Après avoir été accepté, à contre cœur, comme le « pire des modèles à l’exception de tous les autres » pendant les années fastes et glorieuses, le libéralisme est à nouveau assailli de toutes parts : « le Communisme est mort mais pas la pensée Marxiste », les illibéraux prospèrent, les insoumis agitent la « nouvelle pensée économique », tandis que Keynes retrouve avec la crise pandémique de nombreux adeptes, dénonçant le concept d’un marché autorégulateur et appelant de leurs vœux une intervention majeure et pérenne de l’État salvateur.
Enfin les théoriciens de l’écologie « pour qui le capitalisme est à l’origine de tous les maux de la planète ont trouvé un prompt renfort dans les thèses de ceux qui considèrent que le libéralisme a poussé à brader aux « … pays émergents l’essentiel de nos activités stratégiques et sanitaires…» Bref, « le mondialisme heureux » paraît avoir vécu.
Aussi dans ce contexte, cette nouvelle parution de Jean-Pierre ESTIVAL, politologue, économiste, et auteur de talent, arrive à point nommé pour ouvrir la réflexion sur la nécessité pour le libéralisme de se redéfinir, à défaut de se réinventer et de s’ouvrir plus complètement aux besoins sociétaux du « nouveau monde ». Pour l’auteur, c’est « l’entreprise » qui doit devenir le moteur de cette évolution par le passage d’un « capitalisme d’actionnaires » à un « capitalisme de stakeholders », c’est-à-dire d’un meilleur partage des responsabilités entre l’ensemble des acteurs économiques, autrement dit des parties prenantes. Ainsi propose-t-il, à travers une argumentation particulièrement documentée passant en revue les principales théories libérales et les critiques qui les accompagnent, les pistes pour un libéralisme économique plus inclusif, pour la nécessaire reconquête des souverainetés nationales ainsi que celles qui touchent à l’évolution du commerce international. Au fil des pages, on mesure l’immense défi que représente cette indispensable ( ?) révolution idéologique : comme le pensait l’économiste Tyler Cowen :
«… il faut démontrer sans cesse et toujours qu’un monde plus libre est un monde meilleur pour le plus grand nombre … »
Les remises en cause engendrées par la crise pandémique sont sans doute de nature à permettre d’avancer radicalement dans ce sens, peut être sur les pas des pratiques du modèle singapourien :
« la démocratie à la base, l’expérience au milieu et la méritocratie au sommet »
Quelques leçons liées au coronavirus et une esquisse du monde d’après, précieuses tant pour la réflexion que pour la pédagogie économique et accessible à tout public.
Jean-Pierre ESTIVAL, politologue, Docteur d’Etat en sciences économiques, auteur primé par la 32e édition du Prix Turgot est enseignant et expert sur les sujets des ex-PECO et le Moyen Orient.