Ne craignons pas d’être un peu puriste ; à bon escient du moins.
Je n’aime pas, mais alors pas du tout, que l’on confonde la décade et la décennie.
La seconde est transparente ; on n’y entend le mot latin annus, c’est-à-dire l’année. Une décennie est une durée de dix ans.
Les choses sont moins claires, il est vrai, avec décade. Contrairement à ce que l’on pense, celle-ci ne provient pas du latin dies, « le jour ». Le mot fut emprunté au XIVe siècle au bas latin decada, adaptation du grec dekados, et signifiant comme lui « dizaine ». De fait, jusqu’au XVIIIe siècle, décade peut désigner une période de dix ans, de dix mois, de dix jours. C’est la Révolution française qui va fixer le terme dans ce dernier sens. En effet la Convention, adoptant en 1793 un nouveau calendrier, appelé « républicain », introduit la décade : cette nouvelle semaine comporte dix journées, la dernière étant le décadi (comme lundi, mardi etc.).
Le sens de décade s’est depuis fermement établi : à la banque, un relevé décadaire d’un compte s’effectue tous les dix jours.
L’anglais decade, qui reste conforme à l’étymologie, signifie aussi, et le plus souvent, « période de dix années ». À l’évidence cet emploi est en train de contaminer le mot français.
Il faut, je crois, résister à cet anglicisme ; pour deux raisons. D’une part il est commode de disposer en français de deux mots, signifiant respectivement les deux durées. Ensuite, en hommage à l’esprit rationnel de la Révolution française, qui nous a donné le litre, le kilomètre, et une semaine de congés de … dix jours.