L’expression avoir deux poids et deux mesures est d’usage courant et le sens en est clair. Elle signifie : « apprécier deux choses semblables selon des critères différents ». Elle est apparue au XVIIIe siècle ; le dictionnaire de l’Académie française la définissait alors ainsi : « juger avec partialité ».
Ce sémantisme d’iniquité semble étrange. Si l’on pèse en effet deux poids différents, on a bien deux mesures distinctes ; rien de partial ni d’injuste là-dedans : deux poids font deux mesures.
C’est oublier que le poids et la mesure sont, avec le nombre, les moyens normaux d’estimer un objet. Poids et mesures font d’ailleurs couple. Il existe un « Service des poids et mesures », chargé du contrôle des instruments qu’utilise le commerce.
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le dictionnaire de l’Académie française citait l’expression faire toutes choses avec poids et mesure, qu’il glosait en « avec une extrême circonspection ». Ce dictionnaire ajoutait : « L’Ecriture, en parlant de Dieu, dit qu’il a fait toute chose avec poids, nombre et mesure ».
Dans son édition de 1935, le dictionnaire académique, après avoir cité la locution avoir deux poids et deux mesures, ajoute : on dit dans le même sens changer de poids et de mesures.
Cette remarque nous met sur la voie. Si l’on change de poids et de mesures pour estimer un nouvel objet, on a bien deux poids et deux mesures. On juge selon des étalons différents ; on est partial.
Il conviendrait peut-être de dire : avoir deux poids ou deux mesures. Mais l’expression est figée. Elle n’est pas illogique ; elle est seulement pléonastique.