À partir de de et facere, « faire », les latins avaient formé le verbe deficere,
« défaire » et plus proprement « manquer, faire défaut ». On retrouve ce verbe
dans les mots français déficient, défection, défectueux.
La troisième personne du singulier de deficere est deficit, « il manque ». La
forme a été empruntée presque telle quelle (on prononce toujours le t final) par
le français de la Renaissance. Le mot désignait alors un article manquant dans
un ensemble d’objets inventoriés ; c’est la définition qu’en donne le dictionnaire
de l’Académie française jusqu’au XIXe siècle, avec cet exemple : « il y a
plusieurs déficit dans cet inventaire ». À cette époque, on le voit, l’Académie ne
pourvoyait pas déficit de l’s du pluriel, car le mot lui semblait encore latin.
Il a droit désormais à cette marque du pluriel, car le mot est intégré au lexique
français.
Depuis le XVIIIe siècle, on l’emploie principalement en économie et en finances
: déficit de bilan (synonyme de passif), déficit des comptes ; être ou mettre en
déficit ; le déficit de la Sécurité sociale ; un budget déficitaire.
Par extension, on l’emploie depuis le XIXe siècle dans d’autres domaines. Par
exemple en médecine, où il est synonyme de déficience : un déficit auditif,
nerveux, hormonal, sanguin. De même un psychologue parlera de déficit
psychique ou intellectuel.
L’extension s’est accrue de nos jours, le terme devenant courant et d’emplois très
variés : déficit inspiration d’un peintre, déficit démocratique d’un gouvernement,
déficit alimentaire d’une population.
Les puristes s’en émeuvent ; ils ont tort. Le terme reste conforme à son
étymologie et à sa mission : signifier un manque. Il vient compléter la série
dette, impasse, déséquilibre, insuffisance, déficience : il n’y a pas pénurie !