3, place de la Coupole, BP 98
94223 Charenton Cedex, France
Langue française

Déficit

À partir de de et facere, « faire », les latins avaient formé le verbe deficere,
« défaire » et plus proprement « manquer, faire défaut ». On retrouve ce verbe
dans les mots français déficient, défection, défectueux.

La troisième personne du singulier de deficere est deficit, « il manque ». La
forme a été empruntée presque telle quelle (on prononce toujours le t final) par
le français de la Renaissance. Le mot désignait alors un article manquant dans
un ensemble d’objets inventoriés ; c’est la définition qu’en donne le dictionnaire
de l’Académie française jusqu’au XIXe siècle, avec cet exemple : « il y a
plusieurs déficit dans cet inventaire ». À cette époque, on le voit, l’Académie ne
pourvoyait pas déficit de l’s du pluriel, car le mot lui semblait encore latin.
Il a droit désormais à cette marque du pluriel, car le mot est intégré au lexique
français.
Depuis le XVIIIe siècle, on l’emploie principalement en économie et en finances
: déficit de bilan (synonyme de passif), déficit des comptes ; être ou mettre en
déficit ; le déficit de la Sécurité sociale ; un budget déficitaire.
Par extension, on l’emploie depuis le XIXe siècle dans d’autres domaines. Par
exemple en médecine, où il est synonyme de déficience : un déficit auditif,
nerveux, hormonal, sanguin. De même un psychologue parlera de déficit
psychique ou intellectuel.
L’extension s’est accrue de nos jours, le terme devenant courant et d’emplois très
variés : déficit inspiration d’un peintre, déficit démocratique d’un gouvernement,
déficit alimentaire d’une population.
Les puristes s’en émeuvent ; ils ont tort. Le terme reste conforme à son
étymologie et à sa mission : signifier un manque. Il vient compléter la série
dette, impasse, déséquilibre, insuffisance, déficience : il n’y a pas pénurie !

À propos de l'auteur

Articles

Universitaire, Bernard Cerquiglini fut professeur aux universités de Paris, Bruxelles et Bâton Rouge. Il est l'auteur d'une douzaine d'ouvrages. Haut-fonctionnaire, il dirigea l'Institut national de la langue française et fut délégué général à la langue française et aux langues de France, puis recteur de l'Agence universitaire de la Francophonie. Il présente l'émission quotidienne "Merci professeur" sur TV5Monde et est membre de l'Ouvroir de littérature potentielle (Oulipo).
Publications associées
Langue française

Remise et ristourne

Plusieurs mots en français expriment l’idée que l’on réduit un prix ou une dette.
On parle le plus simplement de rabais ou de réduction ; remise et ristourne sont plus techniques.

En savoir plus, lire la suite
Langue française

Deux poids et deux mesures

L’expression avoir deux poids et deux mesures est d’usage courant et le sens en est clair. Elle signifie : « apprécier deux choses semblables selon des critères différents ». Elle est apparue au XVIIIe siècle ; le dictionnaire de l’Académie française la définissait alors ainsi : « juger avec partialité ».

En savoir plus, lire la suite
Langue française

Maître d’ouvrage et maître d’œuvre

Ne confondons pas le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre.

En savoir plus, lire la suite