On rencontre trop souvent, dans la correspondance commerciale ou administrative, l’expression je vous serais gré, construite avec le verbe être, comme si gré était un adjectif.
C’est une erreur. Gré est un substantif, issu du latin gratum, neutre substantivé de l’adjectif gratus « accueilli avec faveur». Comme gratum, gré signifie la reconnaissance, le consentement, l’accord.
Dès l’ancienne langue, le terme s’emploie surtout dans des locutions ; elles sont nombreuses.
Elles traduisent par exemple l’assentiment : trouver quelqu’un à son gré, agir au gré de quelqu’un, au gré des saisons.
Elles expriment la bonne ou la mauvaise volonté avec laquelle on agit : de son plein gré ; bon gré mal gré (de bon cœur ou en se résignant), d’où la préposition malgré ; de gré ou de force (volontairement ou sous la contrainte) ; un arrangement peut être conclu de gré à gré (il satisfait les parties en présence).
Il peut s’agir enfin de la satisfaction que l’on témoigne à celui qui vous est favorable. On utilise alors l’expressions savoir gré, c’est-à-dire « ne pas ignorer la reconnaissance que l’on doit » : je vous sais gré d’être venu, elle lui savait un certain gré de ses paroles.
Dans le style épistolaire, la formule est employée au futur ou au conditionnel de politesse : « Je vous saurais gré de me répondre ». Il s’agit donc bien du verbe savoir et de son complément d’objet le substantif gré.
Notons que ce dernier a toute sa place dans le registre épistolaire, qui est celui la courtoisie, voire de la séduction. Quand un correspondant conclut par un « Veuillez agréer, Madame, mes hommages », il invite cette dame à tenir ses hommages pour agréables, c’est-à-dire à les prendre et les avoir en gré.