L’expression peau de chagrin, que l’on rencontre d’ordinaire dans la locution diminuer comme une peau de chagrin (« nos crédits fondent comme peau de chagrin ») est d’une beauté un peu étrange. De quelle peau s’agit-il, et de quel chagrin ?
Cette expression n’a rien à voir avec le chagrin, souffrance morale et tristesse profonde.
Le mot turc sagri désignait la croupe d’un animal, et le cuir que l’on en préparait ; au XVIe siècle le français l’a emprunté, sous la forme sagrin puis chagrin.
Le chagrin est donc une espèce de cuir grenu, préparé avec la peau de la croupe d’un mulet, d’un âne ou d’un cheval. Dans cette signification propre, c’est l’existence d’un grain qui importe. On chagrine une peau, afin de lui donner du grain ; il existe du papier chagrin : Simone de Beauvoir parle quelque part de la peau chagrinée d’une de ses tantes.
Ce cuir grenu a cependant tendance à rétrécir en vieillissant. Honoré de Balzac en a fait un roman, La Peau de chagrin, réflexion philosophique sur l’élan vital qui s’amenuise, tel ce cuir.
Ce phénomène constitue de nos jours l’élément pertinent du sémantisme : cela fait peau de chagrin, voire c’est une peau de chagrin signifie « cela rétrécit de jour en jour ». Nos crédits disponibles font peau de chagrin.
Mal comprise désormais, cette expression toutefois ne me semble pas manquer d’un certain optimisme. Si la peau du chagrin diminue, le chagrin doit faire de même ?