Refusant obstinément de baisser ses loyers, le grand propriétaire terrien irlandais Charles C. Boycott, à l’automne de 1880, ne se doutait pas que son nom passerait à la postérité et dans la plupart des grandes langues. Il fut en effet mis en quarantaine par ses fermiers, bien résolus à le faire céder. La presse anglaise s’empara de l’affaire, formant le verbe to boycott, qui passa presque aussitôt en français, sous la forme boycotter, ainsi que dans les autres idiomes européens. Le fait traduit bien la montée en puissance du journalisme à la fin du XIXe siècle, et son efficacité : boycotter devint d’usage courant.
Le terme désigne l’action d’interdire, par une mise en quarantaine (vieux mot français, lié aux quarante jours de carême, puis à l’isolement sanitaire) l’exercice d’une activité industrielle ou commerciale.
Le déverbal issu de boycotter fut d’abord boycottage, conforme aux règles de la morphologie. Toutefois, au cours du XXe siècle, l’anglomanie lui fit nettement préférer boycott.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Je crois percevoir une double tendance :
- d’une part on semble réserver boycottage à l’opération proprement dite, comme y invite son suffixe agentif, et boycott au procédé. On dira par exemple : « il faut renoncer au boycott, car le boycottage en ce domaine est inefficace » ;
- d’autre part, de façon plus générale, boycott paraît en recul devant boycottage, senti plus français.
Serait-ce un coup d’arrêt aux anglicismes ? Sans aller jusqu’à cette bonne nouvelle, j’observe depuis plusieurs années une tendance à la francisation qui vise à réduire le caractère d’étrangeté de l’emprunt. Après tout, surbooké est plus français qu’overbooké, et la prononciation / pipol/ (pour people) n’est pas qu’une plaisanterie ; elle est une saine réaction phonologique.