La crise sanitaire a fait entrer dans la langue commune des termes jusque-là spécifiques à la langue médicale. Ils portent en eux des traits propres à cette langue.
D’une part, un emploi étymologique. C’est le cas de comorbidité, qui peut être mal interprété. Depuis les années 1830, l’adjectif morbide a le sens de « malsain, qui possède un goût pour l’anormal ». Il s’agit toutefois d’un emploi figuré de l’adjectif issu du latin morbidus, « malade », : morbide désigne ce qui est relatif à la maladie. Le substantif morbidité, propre à la langue médicale, se dit de l’ensemble des causes qui peuvent produire une maladie. D’où la comorbidité : une maladie principale est associée à de multiples et spécifiques conditions cliniques.
Le second caractère de ce vocabulaire d’origine médicale est sa nette anglicisation, qui peut répandre des emprunts. Ainsi cluster, qui désigne en anglais une grappe, et qui a pris le sens de « regroupement dans le temps et l’espace de cas d’une maladie ». L’équivalent français est évident : foyer épidémique, foyer d’infection ou foyer tout court : le terme est transparent.
De même, pour désigner une stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées, la langue technique use volontiers de l’anglais tracking. Le français traçageest d’autant plus préférable que nous employons déjà la traçabilité, parcours des objets et des marchandises du producteur au consommateur.Il ne s’agit pas de purisme, mais d’usage partagé de la langue. Pourquoi une notion qui a des incidences sur la vie de chacun, sur la santé d’une population, voire sur les libertés publiques, serait-elle exprimée par un anglicisme opaque ?