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Pérenne

La langue des affaires a ses modes, elle aussi. Depuis quelque temps, elle utilise beaucoup l’adjectif pérenne : on parle d’un investissement ou d’un contrat pérenne.
Cet adjectif étrange (il a au masculin une forme de féminin) se rencontre pour la première fois chez Montaigne. Dans ses Essais, celui-ci parle du monde comme d’une branloire  pérenne, c’est-à-dire comme une agitation perpétuelle.
Montaigne a emprunté cet adjectif au latin perennis, lui-même est issu de per + annus « qui dure toute l’année ».
C’est le sens propre de pérenne que l’on rencontre par exemple en botanique (un feuillage pérenne ne tombe pas ; c’est le contraire de saisonnier) ou en hydrologie (un cours d’eau pérenne ne tarit pas, même en saison sèche ; c’est alors le contraire d’intermittent).
Du sens de « qui dure tout au long de l’année » on passe aisément, comme l’a fait Montaigne, à celui de « permanent »,
Jusqu’ici, cet adjectif était moins fréquent que le substantif pérennité (XVIIe siècle), « caractère de ce qui dure très longtemps », et moins fréquent encore que le verbe pérenniser. Ce verbe qui date du XVIe siècle est très courant dans la langue économique et administrative ; il est synonyme de titulariser : on pérennise des emplois, un financement, une subvention.
Et c’est bien là, semble-t-il que l’on est allé chercher pérenne. Celui-ci forme en effet un couple très simple avec pérenniser : le premier est l’effet du second.
Pérenne ? Pourquoi pas. Acceptons-le, ne serait-ce que par tendresse pour Michel de Montaigne. Mais rappelons-nous que permanent, perpétuel, durable, constant ne sont pas mal non plus.