Madagascar se trouve à nouveau à un moment critique de son histoire…une histoire faite de soubresauts politiques répétitifs depuis le retour à la souveraineté il y aura bientôt cinquante ans. Ce cycle d’instabilité qui ébranle le pays à intervalle régulier est le principal facteur de son retard économique et de son sous-développement.
En effet, où que ce soit et, a fortiori, dans les contrées les plus misérables de la planète, on ne peut construire que sur la durée. Or, sur l’île rouge, les acteurs du développement, en
premier lieu les entreprises, qu’elles soient nationales ou étrangères, ne disposent pas de la durée et voient leur horizon en permanence bouché et obscurci par les dysfonctionnements de la gouvernance politique. Bien qu’ils fassent vaillamment preuve de résilience, ils
sont incapables de mener une stratégie à long terme et sont réduits soit à raccourcir le délai de recouvrement de leur investissement soit à péricliter et à végéter dans la sous-productivité et une exploitation sub-optimale de leur capacité. Préserver l’économie et garantir le développement constituent une mission impossible si la politique ne se réforme pas. Suite à la toute dernière crise de régime,un processus de remise à plat est en cours à Madagascar.
Le temps des réformes politiques et institutionnelles estrevenu. Il faudrait saisir cette fenêtre de tir pour construire un paysage institutionnel nouveau et durable.
Pour la première fois depuis des décennies, aucun groupement politique en particulier n’est dominant. Cet équilibre des forces est trop rare et trop important pour ne pas être signalé. Il sera le socle même d’un édifice démocratique qui a, la plupart du temps, fait défaut au pays.
Les autorités en charge actuellement de l’effectivité du pouvoir, en dépit de leur succès rapide pour accéder aux manettes, ne peuvent pas maîtriser seules le devenir
de la nation. La mouvance Ravalomanana, ayant abandonné le pouvoir, survit mais avec des capacités considérablement amoindries. La mouvance Ratsiraka (à la tête du pays entre 1975 et 2001 sauf pendant un intermède au début des années 90) reprend du poil de la bête après avoir été pourchassée et expulsée du pays en 2002. La mouvance Zafy (du nom du professeur de médecine qui a présidé l’expérience démocratique des années 1991 à 1996), brimée et traquée sur place par l’ancien régime, est revigorée. Ces quatre courants occupent chacun de 20 à 25 % de l’échiquier politique et pourront faire fonctionner, avec une société civile vibrante, un mécanisme de poids et de contre-poids, le système le plus à même de faire émerger une démocratie et d’assurer, de manière pragmatique,une stabilité institutionnelle, gage d’un développement économique continu et sans à-coups.
Pour la Grande Ile et pour les bonnes âmes internationales qui veillent sur son destin – la francophonie en fait partie,
aux côtés de l’Union Africaine, de l’ONU et des partenaires du développement bi et multilatéraux – l’effort à fournir conjointement est de sortir du cercle vicieux qui pousse le pays d’insurrection en insurrection,contrepartie inévitable du passage d’un despotisme à un autre.
Le défi est de tourner le dos à un passé politique qui est peu glorieux et qui a tenu l’économie en otage. L’enjeu est, désormais, d’instaurer un paysage politique et institutionnel durabl e, c’est – à – dire, pour paraphraser une expression célèbre, un cadre qui «répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs».
Madagascar : du passé faisons table rase par Jaona Ravaloson, ancien ambassadeur, Délégué Général du FFA pour Madagascar