Les pays européens sont confrontés au problème du chômage des jeunes issus du système scolaire sans formation suffisante et sans diplôme. Cette situation est particulièrement préoccupante en France où chaque année ils sont plus de 100.000 dans ce cas.
Lorsque j’étais en charge des problèmes de l’éducation en tant que Commissaire européen, j’ai mis sur pied les Ecoles de la 2e Chance pour répondre à ce défi. Ces écoles s’adressent à des jeunes de 18 à 25 ans qui ont quitté le système éducatif sans avoir pu acquérir (le plus souvent
pour des raisons sociologiques) une formation de base suffisante. Ils peuvent alors volontairement entrer dans une Ecole de la 2e Chance où un suivi très individuel est mis en place conjointement à la pratique de l’alternance en entreprise.
Une école pilote a été implantée dans chacun des pays de l’Union Européenne et je me suis employée à les développer en France à partir de celle de Marseille créée en 1998.
Il y a aujourd’hui 44 sites et plus de 4.700 stagiaires, issus pour la moitié des quartiers dits de «la politique de la ville». L’Etat vient de décider de porter leur nombre à 12.000 d’ici 2010. On compte 62 % de sorties positives, c’est-à-dire avec un emploi ou le retour à une formation qualifiante.
Les Régions qui ont la responsabilité de la formation professionnelle ont pris en charge la quasi-totalité des frais. Le législateur a depuis, voulu soutenir et institutionnaliser le dispositif notamment en autorisant nos écoles à bénéficier de la taxe d’apprentissage et en prévoyant de les financer à part égale avec les collectivités régionales .
Le coût annuel d’un jeune entrant dans une Ecole de la 2e Chance est évalué à 7.156 euros en 2009.
Les entreprises aident localement les écoles en prenant enstage les jeunes mais aussi en contribuant financièrement et parfois en donnant du matériel (notamment informati-
que). Une grande entreprise : Unibail – Rodamco, vient de signer un accord pour une contribution financière de fonctionnement au réseau.
Les stagiaires dont la formation se déroule pendant environ un an, sont recrutés tout au long de l’année, par petits groupes et suivent les apprentissages fondamentaux (lecture, écriture, calcul, informatique, quelques notions d’une langue étrangère) en étant accompagnés individuellement par desenseignants qui peuvent être issus de l’Education Nationale mais aussi de tout autre univers professionnel. Ceux-ci sont tous le «référent» d’un groupe très limité de jeunes qui peuvent s’adresser à ce référent pour être conseillés dans tous les domaines de leur parcours scolaire ou personnel (santé, logement, etc.). Les stagiaires perçoivent une légère rémunération au titre de la formation professionnelle.
A côté du réseau des E2C, j’ai créé une Fondation des Ecoles de la Deuxième Chance à laquelle de grandes entreprises
françaises participent :BRED, EDF-SUEZ, Caisse des Dépôts et Consignations , MACIF,
COFACE , Groupe HERV E , UNIBAIL – RODAMCO,ORANGE.
Le but de la Fondation est de permettre de réaliser des activités périscolaires (sportives, culturelles), des stages à
l’étranger (notamment au Québec),des voyages découvertes. Ceux-ci peuvent aller du parcours des églises où a joué Jean-Sébastien Bach (avec initiation à la musique), à la visite d’une usine de porcelaine à Limoges, à la découverte des musées et des monuments de Paris, à un voyage à Cracovie avec découverte guidée du camp d’Auschwitz. Au retour, les stagiaires -qui souvent sortaient de leur milieu urbain pour la première fois- rédigent et commentent un compte-rendu de leur voyage. Chaque année une grande rencontre sportive entre les écoles françaises et européennes est également financée par la Fondation.
La qualité de l’enseignement, de l’écoute des vrais besoins des jeunes, l’approche de ce qui n’est pas seulement un futur salarié mais d’abord une personne avec son histoire, son origine, ses difficultés à appréhender un langage parfois trop théorique, font le succès de cette pédagogie.
Chacun a sa propre manière d’entrer dans la culture, la société, bref dans la vie. Le remarquable réseau des enseignants des E2C l’a compris et notre bonheur est immense quand ces jeunes viennent nous dire qu’ils ont trouvé leur voie qui passe bien sûr par un métier mais aussi par une meilleure compréhension de nos racines
communes, de notre histoire et de la vie.
Les Ecoles de la Deuxième Chance
par Edith Cresson,
Ancien Premier Ministre,
Présidente de la Fondation des
Ecoles de la 2ème Chance