L’écologie est aujourd’hui à la mode. Les sondages montrent
qu’une grande majorité du public de nos pays est prête à consentir des efforts pour protéger l’environnement – à condition du moins que ces efforts ne soient pas
trop coûteux.
L’écologie figure en bon rang dans les programmes politiques, les «Verts» participent au gouvernement dans nombre de pays ; en France le «Grenelle de l’Environnement» et les deux lois présentées à sa suite diffu-
sent, au-delà «d’un principe de précaution» dont la généralisation peut paraître discutable, des principes sains comme la règle «pollueur-payeur» ou l’obligation d’établir
des bilans carbone. Pourtant, encore trop de comportements
vont à contre-courant :la crise financière et économique actuelle conduit parfois à abandonner des contraintes environnementales au nom de la protection de l’emploi ou
à tenter de relancer l’économie dans la construction de nouvelles routes, ce qui n’est pas le meilleur moyen de promouvoir l’environnement. Chacun de nous, dans ses
habitudes personnelles, contribue aussi, souvent dans le savoir, à la dégradation de notre planète : gaspillage d’eau et d’électricité, déchets non triés , tout automobile, voire consommation excessive de viande,…

 

De même, dans les entreprises, si les comportements citoyens et l’investissement socialement responsable se diffusent (sans
éviter parfois de tomber dans le «green washing»),il subsiste de nombreux dérapages,des effluents chimiques non traités aux marées noires ou aux torchères de gaz fatals.
La bonne attitude face à ces dérapages ne peut être celle de l’autruche : on ne peut suivre un Claude Allègre qui conteste la réalité du réchauffement climatique, ni oublier les problèmes de plus en plus présents posés par la désertification, la déforestation, la disparition de la biodiversité…
Il ne s’agit pas non plus de tomber dans les excès des altermondialistes :ils ont tort sur trois points au moins :
– le rejet du marché, qu’il faut au contraire utiliser pour apporter les incitations ;
– le rejet de la science, dont les progrès (y compris grâce aux OGM) peuvent apporter beaucoup ;
– le rejet du nucléaire, pourtant partie nécessaire d’une solution globale.
Les remèdes à apporter supposent de développer un «policy mix» complet et équilibré. En matière de réchauffement climatique, l’objectif maintenant largement accepté est de réduire des trois quarts de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Cela suppose un effort considérable,
mais qui est à notre portée, d’une part pour économiser l’énergie, notamment dans le bâtiment et les transports, et d’autre part pour développer à grande échelle les énergies nouvelles (éolienne, solaire mais aussi biomasse, marémotrice, etc), parallèlement à l’hydro-électricité et au nucléaire. Ces objectifs ne pourront être atteints qu’à condition de remettre les pays en voie de développement dans le jeu ; car ces pays sont déjà à l’origine de la moitié des gaz à effet de serre et des émissions polluantes, et leur part s’accroîtra inévitablement. Il faut les amener à accepter les objectifs communs avec des règles adaptées à leur situation et un soutien financier.
L’économie verte suppose aussi une approche intégrée de développement durable.
Cela implique une gestion concertée de «biens publics mondiaux» comme l’eau, la terre, les forêts, la biodiversité,comme cela a été fait pour le climat avec la création de marchés d’échanges , de permis d’émis-
sions et peut-être avec une taxe carbone.
Des mécanismes financiers appropriés (contrats à long terme, intéressement des populations, prix des rémunérateurs à long
terme) doivent encourager la reforestation, la protection de la nature, des cours d’eau, etc…

 

Enfin il faut mener une lutte d’ensemble contre la pollution (cf. le règlement Reach européen pour les produits chimiques) les particules dans l’air, etc, et les déchets. Il
est parfaitement possible de maîtriser ces derniers en incitant d’abord au tri puis à la généralisation du recyclage, en progressant vers l’« éco-conception» (produits conçus
dès le départ pour être facilement recyclés ) , et vers une «économie circulaire »
(organisation dans laquelle les déchets d’une activité servent de matières premières à la suivante ).

 

L’économie verte par Philippe Jurgensen
 
Philippe Jurgensen est professeur à Sciences-Po Paris, spécialiste des questions d’économie et d’environnement,
aujourd’hui il dirige l’Autorité de contrôle des assurances.

 

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