Le Sommet de Copenhague a débouché sur une simple déclaration politique, sans aucune valeur en droit international, et qui n’engage aucun Etat en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ce résultat n’emballe personne, les appréciations sur son contenu allant de « désastre » à « premier petit pas en avant ». Barack Obama, après avoir annoncé dans la capitale danoise qu’il s’agissait d’un « accord substantiel », est finalement revenu à une évaluation plus réaliste de la situation : dans une interview du 26 décembre à la chaîne de télévision CBS, il a déclaré que « au lieu d’un échec total, d’une inaction totale, ce qui aurait été un énorme recul, nous avons pu du moins nous maintenir en gros là où nous étions ». Mais le réchauffement climatique, lui, ne fait pas de sur-place…
Dans les commentaires post-Sommet, un thème est en train de monter en puissance : le problème ne serait pas le piètre contenu de la déclaration, mais le mode de décision en vigueur dans des rencontres internationales, comme celle de Copenhague, organisées dans le cadre de l’ONU, à savoir la règle de l’unanimité. Est mis en cause le refus de certains Etats – entre autres, la Bolivie, Cuba, le Nicaragua, le Venezuela – de donner rétrospectivement le statut de document officiel à un document qui avait seulement été élaboré par les représentants d’une vingtaine de pays, et essentiellement par la Chine et les Etats-Unis, l’Union européenne s’étant mise hors jeu.
Dans un article récent1, deux influentes personnalités américaines – Frank E. Loy, ancien sous-secrétaire d’Etat, et Michael A. Levi, du Council on Foreign Relations – écrivent que l’on ne peut plus continuer avec un système qui donne la parole à 193 Etats et requiert l’accord de chacun d’eux pour prendre une décision finale : « Le monde ne peut pas permettre à des acteurs marginaux ou en conflit de bloquer tout progrès », et ils ajoutent que « des groupes plus restreints, tel le G 20, devraient devenir les points focaux des efforts visant réellement à réduire les émissions ». La démonstration serait impeccable si elle n’était pas en totale contradiction avec les faits.
La composition du groupe de pays qui a élaboré la déclaration de Copenhague est précisément très proche de celle du G 20. Et les quelques pays qui ont osé contester le statut de ce texte ne voulaient pas moins, mais, au contraire, plus d’engagements contraignants en matière d’émissions de GES ! Ce qui se profile, derrière ce qui commence à ressembler à une campagne, c’est la remise en cause, dans tous les domaines, du système des Nations unies, du multilatéralisme, qui donne une voix au Vanuatu et une voix aux Etats-Unis. Et cela
La proposition de transformer le G 20, même légèrement élargi, en directoire mondial de la lutte pour la préservation de l’environnement, comme il l’est déjà en ce qui concerne la régulation financière mondiale, a pour elle l’apparence du bon sens arithmétique : ces pays représentent près de 90 % du PIB mondial. Mais la politique ne se réduit pas à des pourcentages. En excluant, de fait, près de 170 Etats du processus de décision – dont la plupart, en premier lieu en Afrique, seront les plus affectés par le réchauffement climatique – l’abandon du multilatéralisme créerait une nouvelle fracture planétaire. Cela ne pourrait qu’entraîner des radicalisations s’ajoutant à celles qui existent déjà. L’Union européenne devrait se garder de cautionner un engrenage aussi dangereux.
Bernard CASSEN, Professeur émérite- Université Paris 8