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Le manager qui veut mettre les Marocains à l’Intelligence économique

Par Abdelmalek Alaoui, Président du FFA Maroc. Un ouvrage que Abdelmalek Alaoui vient de publier dans la collection Koutoubia

 

« Intelligence économique et guerres secrètes au Maroc » est un ouvrage que Abdelmalek Alaoui vient de publier dans la collection Koutoubia, aux éditions Alphée en France. Il tombe à point nommé, à un moment où le sujet passionne les décideurs en tous genres, les universitaires, les chercheurs et de plus en plus l’opinion publique. Ce n’est pas par hasard que l’auteur, versé à la matière lui-même, a choisi une thématique aussi nouvelle, encore en friche au Maroc. Sur quelque 200 pages, il parcourt le paysage politique et économique de la planète depuis la chute du mur de Berlin jusqu’à nos jours et se hasarde même à quelques conclusions futuristes pertinentes, avec un souci affiché de recentrer les modalités de cette nouvelle « science » vers le Maroc.

 

De l’Amérique à l’Asie, un mouvement d’idées et de décisions s’accélère, il emporte avec lui les continents et les peuples. Il y a ceux qui résistent et d’autres qui traînent. Il « acte » ce mouvement irréversible en novembre 1989, date à laquelle le monde, impassible et ébaudi, assista à la Chute de Berlin et à la renaissance de l’Allemagne, en même temps que l’émergence des conditions d’un nouveau monde. Délitement de l’empire soviétique, nouveaux nationalismes dans les Balkans, vertiges identitaires un peu partout et, en arrière plan, une guerre, une redoutable guerre : la performance économique. Celle-ci sera de plus en plus âpre, parce que la Russie et ses anciens satellites, interpellés de la même manière que les démocraties occidentales à l’effort et à la performance, mettront tout en œuvre pour accéder au statut de puissance économique émergente.

 

Le tableau que dresse Abdelmalek Alaoui dans son livre n’est pas limitatif à un thème, à un pays ou un groupe. C’est un vaste kaléidoscope ramassé, concentré, didactique aussi. En une trentaine de pages, il expose la problématique de l’Intelligence économique, cette science moderne de « l’obscur » lumineuse. Il met en exergue les concepts fondamentaux, ces axiomes qui irriguent de plus en plus la pensée de nos managers et de nos responsables politiques: la genèse de l’Intelligence économique remonte, selon lui, à la République de Venise du XVe siècle, dont le revenu par habitant était 1500% plus élevé que ceux que réalisaient certaines places européennes en vogue comme Paris, Londres et Amsterdam…Le secret de la capitale des Doges ? Le cumul du renseignement économique et des données apportés par les marins. L’histoire économique s’est nourrie, selon Abdelmalek Alaoui d’une trame profonde et l’Intelligence économique, a été éclipsée pendant de longues décennies mais non enterrée par l’intelligence militaire ou politique.

 

Elle resurgira au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, dans les limbes de l’écrasante défaite de l’Allemagne et du Japon où, en particulier, le fameux MITI se mit à l’œuvre de reconstruction économique, industrielle et financière et déploya les arts de l’intelligence économique. On connaît les résultats d’une telle vision : le pays du Levant a tenu la dragée haute aux Etats-Unis et à l’Europe. L’analyse à laquelle procède Abdelmalek Alaoui procède d’un benchmarking empirique : la comparaison spectrale, l’étude des cas. En arrivant au Maroc, il n’a pas d’état d’âme, ne fait aucune concession à la facilité. « Devant les évolutions aussi rapides qu’imprévisibles que connaît le monde, écrit-il, les économies des pays émergents sont parmi les plus exposées. Dans le cas du Maroc, la croissance soutenue des dernières années donne des raisons d’espérer une consolidation des fondamentaux économiques et l’apparition de secteurs leaders qui tireront le Royaume vers le haut ».

 

L’optimisme est à peine effleuré quand, avec la même conviction, Abdelmalek Alaoui le tempère en écrivant que «néanmoins, l’absence de dispositif de surveillance de l’environnement constitue un point noir qu’il est urgent d’enrayer». Dans la foulée, il dresse le tableau des faiblesses – mais aussi des atouts – du Maroc pour organiser sa veille, son système de cueillette et promouvoir ainsi la culture de l’Intelligence économique. «Les dirigeants marocains, souligne encore Abdelmalek Alaoui, commencent à rattraper leur retard et n’hésitent plus à faire appel à des spécialistes». La communication étant en vogue, la veille stratégique mise en œuvre, voit-on pour autant se mettre en place les structures et les mécanismes intellectuels d’une Intelligence économique marocaine? La réponse coule de source et Abdelmalek Alaoui se fait tranchant : «Aucune institution marocaine n’a encore entrepris de construire une «War Room» (salle de guerre) informationnelle, pour récolter l’information utile et préciser les contours du message à diffuser».

 

Nous voilà ramenés, par le biais d’une pensée qui nous interpelle, au questionnement essentiel : le Maroc, obligé de se mettre au diapason des pays émergents, cité par Thomas Friedman comme «une rue latérale » hors de l’obscurité avec Dubaï, la Jordanie, Bahrein et Qatar, promeut-il comme il convient l’Intelligence économique ? Question de principe, réponse idoine : «Que devons-nous produire et comment le produire ?» «Comment le Maroc, à l’instar de la Chine, va-t-il former des cadres dans le combat économique mondial ?». Dans un chapitre lumineux sur comment anticiper les crises, l’auteur souligne avec pertinence l’impératif d’une corrélation entre l’économie et la politique, l’établissement de ponts entre les représentants de la première avec ceux de la seconde. Il en appelle à une synergie au nom de la «sécurité économique» et dans la même veine être «cohérent face à l’imprévisible».

 

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Guerres secrètes

 

Livre dense, alerte et nourri d’exemples pertinents, «Intelligence économique et guerres secrètes au Maroc», procède d’un souci : tirer les conclusions de l’expérience historique des dernières décennies et rattraper ce qui peut s’apparenter à du temps perdu. C’est un essai de pédagogie et de réflexion qui, jusqu’à nouvel ordre, constitue la seule référence en la matière. Un «aggiornamento» est nécessaire et le «chantier de l’Intelligence économique» devrait être ouvert aujourd’hui même, parce qu’il constituera l’une des chevilles ouvrières du grand chantier prospectif, économique et social mis en œuvre par S.M. Mohammed VI sous le signe duquel, l’auteur se place indubitablement.

 

 

Le Matin
Édition du mercredi 21 avril 2009 
http://www.lematin.ma/Actualite/Journal/Article.asp?idr=115&id=111889