Yoann COATANLEM et Antonio de LECEA – PUF – 513 pages
Conjuguer équité et efficacité dans un monde instable.
Tel est le thème que propose les auteurs à travers cette parution saluée par les plus éminents économistes et experts du sujet (O. Blanchard, M. Camdessus, A. Levy-Lang, C. Gollier, D. Kessler) qui apparaît comme « l’ouvrage de référence qu’il manquait », tant par la qualité de ses recherches que de ses réponses « documentées et convaincantes » qu’il avance.
Si l’inégalité a toujours été présente dans la réflexion, morale, politique, sociale et économique, sa perception et sa conceptualisation ont pris une nouvelle intensité tant médiatique que dans le débat public, dans ces dernières décennies. Cette exaspération tient tout autant à la multi dimensionnalité de l’inégalité (de la naissance, de l’éducation, etc… même si elle reste le plus souvent attaquée politiquement par le sujet des écarts de revenus qui, de crise en crise, paraissent s’accroître), que de la vision libérale qui voudrait qu’il soit nécessaire d’arbitrer dans nos sociétés entre moins d’inégalité et une plus grande efficacité économique.
Mais en filigrane, l’autre question majeure qui pèse sur l’objectivité de l’analyse sur ce sujet éruptif est celle de sa mesure, c’est-à-dire de la quantification dans une mesure unique (ou non), de l’inégalité existante dans chaque dimension (discriminations salariales, conditions de travail, accès aux soins, à l’habitat, à l’éducation …etc).
Au-delà des questions les plus couramment débattues, celles de la redistribution et la fiscalité, les auteurs s’attachent à démontrer qu’un excès d’inégalité est, in fine, défavorable au progrès économique et social et qu’un système de revenu universel dont ils se font les avocats, supposerait pour une pleine efficacité, comme le souligne François Bourguignon, dans sa lumineuse préface : « …une rationalisation radicale par la consolidation d’une grande partie du système redistributif en un nombre réduit d’instruments dont l’enchevêtrement complexe et opaque masque encore son symbole démocratique…. ». Cet ouvrage très dense s’articule autour de six chapitres qui apportent leurs éclairages sur la multiplicité des problématiques : les concepts et les enjeux philosophiques, le lien entre égalité et liberté et celui de la démocratie et de la vérité, l’identification des nombreuses facettes des inégalités, la question de leur mesure, la compréhension des dynamiques profondes qui affectent l’équité sur la base de recherches empiriques ou scientifiques et de travaux récents, les leçons que nous apporte l’Histoire sur le sujet, tandis que le sixième chapitre présente un ensemble cohérent de solutions concrètes et propose quelques enseignements préliminaires sur le type de société façonnée par la révolution robotique.
« …La quête d’une croissance plus inclusive est à la fois un défi et une chance pour notre époque : l’équité est en effet à la fois gage de plus grande efficacité et par conséquent d’une plus grande efficacité économique, mais aussi d’une société apaisée et cohésive, plus mobile et créatrice… ».
Telle est la conviction des auteurs qui avancent par leur réflexion vers les contours (voire les fondements) d’un « capitalisme rénové à la fois innovant et protecteur » que Philippe Aghion appelle lui-même de ses vœux, ne serait-ce que pour favoriser « l’éclosion de nouveaux talents envers et contre les intérêts acquis ».
« … L’humanité doit apprendre certaines leçons dont la nécessité est due à l’augmentation du savoir faire sans augmentation de la sagesse… » (Russell 1956).
Le chemin est visible mais la pente est encore raide !!!!!
Jean-Louis CHAMBON – Président du Prix Turgot
- Yann COATANLEM : Economiste-Président du Club Praxis – Lauréat 2018 du Prix de l’Académie des Sciences Morales et Politiques
- Antonio de LECEA : Economiste – Professeur et Consultant.