Par le Général Vincent LANATA, Éditions Ovadia – 224 pages
Le Général Vincent Lanata, ancien chef d’état-major de l’Armée de l’Air, grande Croix de la légion d’honneur, s’est aussi fait remarquer par ses talents d’auteur féru d’histoire. En témoignent ses publications les plus récentes, « Trajectoires » (scudo) où il relate les chemins de sa vie extraordinaire à plus d’un titre, et, « les jours de Mai qui ont fait l’histoire de France» (Odile Jacob) dans lequel il apporte ses éclairages sur cette étrange profusion d’événements historiques émaillant précisément ce « joli mois de Mai ». De là à penser que, dans le contexte politique électrisé que nous connaissons, cette série pourrait bien se prolonger dès 2022 et sans doute bien au-delà…
Aussi, rien de surprenant si dans son nouvel essai il récidive, innovant toutefois puisque choisissant la fiction comme nouveau mode d’expression. Au service de l’imaginaire de ses fidèles ou nouveaux lecteurs, il se projette dans ce roman animé d’une plume toujours aussi alerte et précise en… Mai 2042, quelque part en Corse… Au moment où la France, à la suite de bouleversements politiques, est depuis plus de dix années devenue une République Islamiste… la charia est appliquée avec rigueur, lui faisant tourner le dos à la civilisation judéo-chrétienne dans laquelle s’était inscrite son histoire depuis plusieurs millénaires…
Mais là s’arrête toute forme de fatalisme car, nouveau clin d’œil à l’histoire, les convictions profondes de l’auteur le portent plutôt à imaginer que, au bout du bout, « …des hommes et des femmes de toutes confessions, courageux et entreprenants n’hésiteraient pas à mettre leur vie au bout de leur combat et iraient par des voies les plus légales et … après bien des péripéties… remettre la France dans le lit de son Histoire, comme Nation démocratique et attachée à la laïcité… ». « La Reconquista » d’une civilisation perdue se serait alors mise en marche comme celle conduite par les rois catholiques contre les envahisseurs musulmans au XVe siècle.
Cette fiction qui compose la première partie de cet essai, (les plus optimistes considéreront peut-être que ce n‘est qu’une fiction ?) s’ouvre sur un second chapitre où l’auteur revient à la réalité des faits et analyse avec la rigueur héritée de son riche parcours, les causes qui pourraient faire basculer le pays dans une telle situation cataclysmique. La poussée de l’islam radical se fait de plus en plus pressante et occupe une part importante de l’espace médiatique … et ce n’est sans doute qu’un début.
Aussi le grand mérite de cette réflexion reste, face à ce risque difficilement contestable, de proposer à la fois le regard d’un observateur engagé dont le métier a consisté à vivre en permanence dans l’anticipation des événements (quand on est pilote de chasse il n’y a guère d’autres choix), mais aussi avec celui de « l’honnête homme » doté d’une vraie sensibilité politique et civilisationnelle.
Le Général est convaincu, avec un optimisme qui force le respect, que la réponse reste, quoiqu‘il en soit (ou coûte ?) dans la main du Politique : « …qui devra faire preuve d’intransigeance et de courage, ne pas céder par angélisme, couardise ou délibérément, à des compromissions qui peuvent paraître aujourd’hui anodines, mais qui, cumulées, renferment un germe mortel pour l’avenir… » et pour ce faire, rien de mieux que de méditer la pensée d’Augustin d’Hippone, dit Saint Augustin :
» À force de tout voir, on finit par tout supporter ;
À force de tout supporter on finit par tout tolérer ;
À force de tout tolérer on finit par tout accepter ;
À force de tout accepter on finit par tout approuver «
D’un autre côté, on prête à Saint Benoît cette marque d’un grand réalisme lorsqu’il affirmait : « Et, dans les plus grandes difficultés, les moines feront ce qu’ils pourront ». La sagesse du moment recommanderait de commencer sans plus tarder..
On ne sort pas indemne de la lecture de ce roman visionnaire. Précieux pour tous publics désireux de mieux appréhender le débat civilisationnel émergent.