Favoriser le retour d’une autonomie stratégique pour notre pays au sein de l’OTAN ou de l’UE reste un objectif assez diversement partagé par la classe Politique. Mais l’évolution du contexte budgétaire de l’État, aggravé par la crise liée aux conséquences de la Covid 19, détermine une pesanteur venant contrarier de plus en plus fortement les capacités à voir reconnues comme réalistes nos ambitions.
L’examen par le Sénat du projet de budget pour 2021 ne peut qu’interpeller en ce qu’il est écrit dans le Tome 1 du Rapport Général de la Commission des Finances au sujet des principaux équilibres (ou déséquilibres) que « l’Etat se finance désormais autant par l’endettement que par l’impôt ». Cela traduit une perte progressive d’autonomie et une dépendance croissante à nos créanciers dont nous sommes dans l’obligation, au moins implicite, de tenir le plus grand compte, ce qui ralentit et obère insidieusement notre liberté d’action. Entre 2008, année de la crise liée aux subprimes aux USA et cette année 2020, la dette de l’Etat français a plus que doublé (à+2000 milliards). Certes, son coût annuel a baissé en raison de la politique de taux d’intérêts bas menée par décision de la BCE.
Il convient cependant de garder présent à l’esprit que la politique de création monétaire dite de quantitative easing ne peut s’inscrire dans la durée sans coûts réels quant à leurs effets immédiats comme futurs, en raison d’une alternative que l’on n’a pas encore trouvé les moyens d’esquiver :
– Soit la politique monétaire accommodante de la BCE (dans la ligne de la FED US) cesse et engendre une hausse des taux d’intérêts, et par voie de conséquences un accroissement proportionnel de la charge annuelle de l’Etat risquant de provoquer une crise financière si elle intervient brutalement ;
– Soit cette politique est durablement prolongée et engendre alors un regain d’inflation venant alléger la charge annuelle de l’Etat, mais avec pour contrepartie une perte sensible de pouvoir d’achat affectant plus particulièrement les épargnants, et en particulier les retraités, mais aussi l’équilibre du commerce extérieur renchérissant les importations à dû proportion.
En résultent deux questions incontournables :
– Combien de temps semblable politique peut durer ?
– Quelles conséquences en termes de souveraineté induit cette dépendance à ses créanciers (pour l’essentiel étrangers, et non nationaux comme dans le cas de la dette japonaise) ?
En 2021, il est prévu que l’Agence France-Trésor émette comme en 2020,260 milliards d’euros d’emprunts pour la charge de la dette, ce qui correspond à un montant équivalent aux recettes fiscales nettes de l’Etat. En comparaison avec la période d’avant la crise de 2008 évoquée plus haut, le montant des OAT émises était équivalent à la moitié des recettes fiscales.
Les limites que nous déplorons au sujet des moyens affectés aux secteurs dits souverains (défense, santé, sécurité, justice etc. ) trouvent leur origine dans ce déséquilibre des finances publiques. Cette situation assourdit notablement et simultanément la portée de la voix de la France et sa capacité à se faire entendre, y compris au sein de l’UE Aussi le rétablissement des finances publiques est une nécessité de défense, et une exigence de notre souveraineté
La diminution du stock de dettes est nécessaire pour parer à la survenance d’une nouvelle crise, mais aussi à la cohésion interne de notre société. La solidarité intergénérationnelle pan fondamental de l’action publique dans le domaine social nous y invite aussi car les jeunes générations sont celles auxquelles demain appartient, et c’est pour l’assurance des lendemains que les efforts de défense sont consentis.
Or, c’est sur les jeunes générations que repose le paiement de dépenses qu’elles n’auront pas choisies. Elles devront acquitter des impôts qu’elles n’auront pas consentis.
De la sorte, la solidité de l’assise des politiques de défense auxquelles est étroitement liée à l’équilibre de nos finances publiques, et l’effet de puissance dont dépend leur crédibilité puise aussi à cette source.
Si l’UE et l’adoption de l’euro ont évité une crise monétaire qui se serait traduite par une perte de près de 50% de la valeur de notre monnaie, la rupture du pacte relatif à la limitation des déficits budgétaires entraîne des tensions entre Etats dont il serait dangereux de sous-estimer les conséquences.
Ne manquons pas de tirer quelques leçons de l’Histoire aux débuts de la Vème République, pour corriger les méfaits d’une hausse des prix de 15% en une année, a été créé le nouveau Franc (plan Pinay-Rueff) refondant des bases de finances assainies. Notre pays put ainsi, grâce au retour d’un équilibre économique sain, mettre en œuvre une politique qui en rétablit la pleine capacité d’être entendu en raison des moyens d’une puissance assurée.
Le calendrier électoral offre la perspective de pouvoir inscrire dans les programmes politiques cette ambition. Il est temps de tenir un langage de vérité pour éviter que s’amplifie encore la fracture du pays.De cette exigence qui demande le « sacrifice du court -terme » dépend largement notre souveraineté.
Jean-Louis CHAMBON
Président Fondateur du Cercle Turgot
Marcel JAYR
Ancien Secrétaire Général de la Fédération Nationale des Dirigeants Salariés FNCDS