L’histoire de Phu Mah, réfugiée birmane et formatrice en couture
Il faut compter environ une heure de route pour se rendre depuis Mae Hong Son, capitale de la province homonyme, dans le nord de la Thaïlande au camp de Ban Mai Nai Soi.
Dans le camp, des centaines de maisons en bambou recouvertes de feuilles sont réparties en vingt sections, avec un enchevêtrement de petits commerces, de restaurants, d’églises, de temples, d’écoles, de cliniques et de bureaux d’ONG et agences internationales variées. Dans des petits jardins, les résidents du camp cultivent divers végétaux ou élèvent des animaux. Dans les quelques espaces inoccupés par les bâtiments ou la végétation, les résidents du camp se retrouvent pour discuter, les enfants pour jouer.
Ban Mai Nai Soi a été construit il y a maintenant vingt ans, et abrite plus de 10 000 réfugiés ayant fui le Myanmar. La plupart sont d’ethnie karenni, originaire de l’état de Kayah.
Phu Mah enseigne la couture dans un des centres de formation professionnelle d’ACTED. Elle est née au Myanmar et vit à Ban Mai Nai Soi depuis que sa famille a fui le pays, il y a 19 ans. Aujourd’hui, elle a 21 ans. Ban Mai Nai Soi a été son seul foyer, pendant la plus grande partie de sa vie.
Tous les matins, Phu Mah se rend au centre de formation d’ACTED, situé dans la section 14 du camp. Elle en a pour environ une heure à pieds, ou quinze minutes à vélo. Elle parcourt tous les matins le même chemin : elle passe devant les mêmes boutiques et croise le même flot continu de personnes, de motos, d’enfants. Près de la moitié de la population de Ban Mai Nai Soi a moins de 18 ans.
Les salles de classe accueillant les formations d’ACTED se trouvent dans l’enceinte du bâtiment du Département d’éducation karenni (KnED), l’organisme local qui coordonne les activités éducatives du camp. ACTED travaille avec le KnED depuis 2013 dans deux camps de réfugiés birmans en Thaïlande. Avec ces formations professionnelles, ACTED cherche à renforcer les moyens de subsistance des personnes réfugiées en leur donnant permettant d’acquérir des compétences qui les préparent à une nouvelle vie, en dehors des camps. Depuis le début de ce programme, plus de 1500 réfugiés du camp ont déjà pu suivre l’un des cours proposés par ACTED. Les formations niveau débutant ont été progressivement complétées par six formations niveau avancé : gestion hôtelière, couture, coiffure, informatique, câblage électrique et réparation de motocyclettes, tous conçus pour répondre aux besoins sur le marché de l’emploi birman, malgré les limites du camp.
ACTED a choisi de former des réfugiés birmans à l’enseignement dans des écoles de formation professionnelle en Thaïlande, qui deviennent ensuite enseignants dans les camps. Phu Mah travaille dans le centre de formation d’ACTED à Ban Mai Nai Soi depuis trois ans, après sa formation en couture. « Aujourd’hui, je peux partager ce que j’ai appris avec la communauté du camp. Et peut-être qu’un jour je pourrai utiliser ces connaissances voire enseigner en dehors d’un camp de réfugiés. »
Aujourd’hui est le jour de réunion mensuelle entre les enseignants et les agents d’ACTED, l’occasion de discuter du déroulement des formations et de la promotion d’étudiants en passe d’obtenir leur diplôme. « C’est l’occasion pour nous de discuter et de partager nos expériences des cours, pour les améliorer encore. Nous sommes fiers des progrès de nos étudiants ! » Ces réunions sont aussi l’occasion de proposer de nouveaux cours : pose de vernis, confection de vêtements pour femmes enceintes, réparation d’engrenages… « Nous déterminons les thématiques en fonction de ce que les résidents du camp demandent ».
Après une rapide pause déjeuner, ce sont les cours de deux heures, programmés à 16h pour permettre aux résidents de s’y rendre après l’école ou le travail.
À la fin de la journée, Phu Mah rentre chez elle rejoindre son mari et ses deux enfants pour le dîner peu avant que la nuit tombe, clôturant une journée de plus dans le camp.