Il y a parfois de l’optimisme dans la langue. Le cas n’est pas fréquent ; raison de plus pour le souligner, dans un domaine qui concerne directement le Forum francophone des affaires.
Le mot fortune en est un bon exemple. Il est issu du latin Fortuna, la divinité qui présidait à la destinée humaine. Fortune a donc d’abord signifié « le destin », qu’il soit bon ou mauvais. Dans l’ancienne langue le mot est synonyme de heur, dont on a fait bonheur et malheur, comme on disait bonne ou mauvaise fortune.
Cette neutralité se retrouve dans quelques expressions : par exemple, la fortune des armes c’est-à-dire les aléas de la guerre. On dit aussi dîner à la fortune du pot, en fonction de ce que l’on trouve dans la marmite. On emploie de même la locution adverbiale de fortune qui signifie « improvisé, sans engagement sur la qualité du résultat » : une réparation de fortune.
Toutefois, dès l’ancien français, le sens favorable semble privilégié ; on le voit s’imposer dans l’histoire de la langue. Fortune devient alors synonyme de succès : faire fortune signifie dès le XVIIe siècle « réussir dans la vie ». Un homme de fortune, parti de rien, s’est élevé grâce à son talent.
Cette réussite est généralement sonnante et trébuchante : faire fortune en est venu à signifier « s’enrichir ». Le terme désigne aujourd’hui l’ensemble des biens que l’on possède : une fortune colossale, léguer toute sa fortune.
Le mot fortune, neutre à l’origine, est devenu favorable, ce qui est plaisant. Mais le seul sens vivant aujourd’hui est des plus matériels : la souriante déesse s’est changée en un compte bancaire…