Ayant fait du dossier du nucléaire iranien sa principale priorité de politique étrangère, à égalité avec l’Afghanistan, Barack Obama a absolument besoin de l’appui ou, au minimum, de la bonne volonté de Moscou. Et il marqué un premier point lorsque, le 24 septembre dernier, le président russe Dmitri Medevev a déclaré à Pittsburgh qu’il n’excluait pas des sanctions contre la République islamique. Ce qui a pu contribuer à assouplir la position des autorités de Téhéran lors de la réunion qu’elles ont eue à Genève le 1er octobre avec le groupe des Six (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie), et au cours de laquelle les parties en présence ont toutes fait preuve d’ouverture. Sant que le mot « sanctions » ait même été prononcé…
Beaucoup d’observateurs ont vu dans l’infléchissement de la politique du Kremlin une bonne manière faite au président américain qui, une semaine plus tôt, avait annoncé qu’il renonçait à déployer un bouclier anti-missiles en République tchèque et en Pologne.
Ce projet, cher à George Bush, avait fait l’objet de lectures très différentes selon les capitales. Pour Washington, il s’agissait officiellement de se protéger contre des tirs de missiles iraniens. Pour Moscou, le véritable objectif des intercepteurs américains était de rompre les délicats équilibres stratégiques et de donner aux Etats-Unis une capacité de première frappe destructrice contre des cibles russes. Pour Prague et Varsovie, il s’agissait d’ancrer une présence militaire américaine sur leur territoire pour se prémunir de toute forme de ce que ces capitales appellent l’« aventurisme » russe. Ce qui revenait à confirmer les craintes de Moscou…
Barack Obama a tranché : inutile de se mettre à dos la Russie pour des gains stratégiques négligeables à ses yeux. D’autant que le Pentagone préférait une autre solution : des intercepteurs SM-3 spécifiquement adaptés à la neutralisation de missiles iraniens de courte et moyenne portée, et incapables d’atteindre les sites de missiles intercontinentaux russes.
Le choc est rude pour les gouvernements d’Europe centrale et orientale, et pas seulement ceux de la Pologne et de la République tchèque. Ils avaient soutenu l’invasion de l’Irak et y avaient dépêché des troupes ; certains avaient accueilli des centres d’interrogatoire secrets de la CIA. En retour, George Bush leur avait laissé croire qu’ils avaient un statut d’alliés privilégiés, ne serait-ce que pour entretenir la zizanie au sein de l’Union européenne. Ils croyaient, comme le Royaume-Uni, que Washington entretenait avec eux des « relations spéciales »…
Sans s’embarrasser de convenances diplomatiques, Peter Altmaier, secrétaire d’Etat à l’intérieur du gouvernement sortant d’Angela Merkel, et démocrate-chrétien comme elle, avait il y a deux mois déclaré que « les pays de l’élargissement ont adhéré à l’Union européenne pour des raisons économiques, mais ils prennent leurs décisions politiques avec les Américains ». Ce qui est certain avec Obama, c’est que, même pour les sujets qui les concernent directement, la réciproque n’est pas vraie !