Eléments constitutifs du socle juridique
Face à la menace de piraterie maritime dans les eaux du Golfe de Guinée, le Conseil de sécurité des Nations-Unies a adopté la résolution 2039 du 29 février 2012 exhortant la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté économique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) et la Commission du Golfe de Guinée (CGG) à œuvrer conjointement pour l’élaboration d’une stratégie régionale de lutte contre la piraterie, les vols à main armée et les autres activités illicites commis en mer.
En réponse, la CEDEAO, la CEEAC et la CGG[1] se sont entendus sur un code de conduite le 25 juin 2013 de nature transitoire en vue de faciliter l’adoption d’un accord multilatéral contraignant ultérieur. Un mémorandum d’entente a de surcroît été rédigé et les chefs d’Etat et de gouvernement ont adopté et signé une Déclaration sur la sûreté et la sécurité dans l’espace maritime commun dite « Déclaration de Yaoundé », dont l’objet est d’organiser une coopération au niveau régional pour sécuriser l’espace maritime de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale.
La coopération se concrétise en plusieurs formes.
Sur le plan informationnel, les pays concernés élaborent des critères uniformes de notification afin d’évaluer communément la gravité d’une menace. Chaque pays signataire désigne un point de contact national qu’il charge de faciliter l’échange coordonné, efficace et en temps voulu d’informations entre les signataires. L’objectif est que chaque point de contact désigné puisse être capable, à tout moment, de recevoir des alertes et des demandes de renseignements ou d’assistance et d’y répondre.
Après l’adoption de définitions communes essentielles[2], les pays signataires ont entendu adopter un socle juridique commun en transposant en droit interne les actes criminels transnationaux dans le domaine maritime prévus dans le code de conduite. L’objectif est alors de garantir que ces actes soient, par l’ensemble des législations nationales, incriminés, poursuivis et réprimés.
Il y a, par ailleurs, un véritable souci d’unir les pays signataires tout au long de la procédure. Ces derniers entendent, dans toute la mesure du possible, mener et appuyer la conduite d’enquêtes dans les cas d’actes criminels transnationaux. A ce titre, ils reconnaissent que l’Etat du pavillon, celui de l’origine supposé des auteurs du délit, celui dont les personnes à bord sont ressortissantes et celui du propriétaire de la cargaison ont des intérêts légitimes à connaître la situation. Les Etats signataires devront alors assurer la liaison et la coopération avec les Etats précités.
Enfin, une coopération est également mise en place dans le domaine de la formation. Au partage de renseignements sur les cursus et les cours s’ajouteront la tenue de conférence transnationale et le regroupement de certains centres de recherches maritimes.
Les pays signataires doivent cependant s’acquitter de leurs obligations et de leurs responsabilités au titre du code de conduite d’une manière compatible avec les principes d’égalité souveraine et d’intégrité territoriale des Etats et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats. Il est signalé que le règlement des différends découlant de la mise en œuvre du code de conduite doit s’effectuer par la voie de consultations et par des moyens pacifiques.
Les Etats parties souhaitent par ailleurs s’inscrire dans une coopération renforcée en mutualisant les moyens à disposition dans le but d’arrêter les personnes qui ont commis des actes de piraterie ou que l’on soupçonne raisonnablement d’en avoir commis ainsi que de mener l’enquête à leur sujet et de les traduire en justice.
A cet effet, ils se sont engagés à unir leurs efforts afin de détecter toutes personnes qui ont commis ou sont raisonnablement soupçonnées d’avoir commis des actes criminels transnationaux organisés dans le domaine maritime ainsi que tous navires ou aéronefs pirates dont il y a de sérieuses raisons de soupçonner qu’ils se livrent à la piraterie.
Les pays signataires de l’accord entendent coopérer pour réprimer les actes criminels transnationaux organisés dans le domaine maritime. A ce titre, ils encourageront les propriétaires de navires et les exploitants de navires à prendre des mesures de protection.
La coopération visant à renforcer les capacités peut consister en l’apport d’une assistance technique, telle que des programmes pédagogiques et de formation, en vue de mettre en commun les données d’expérience et les meilleures pratiques.
En vue de promouvoir les opérations de sécurité et de sûreté, un pays signataire peut désigner des agents des forces de l’ordre qui embarqueront à bord de navires ou d’aéronefs patrouilleurs d’un autre pays signataire avec l’autorisation de ce dernier. Les officiers embarqués peuvent autoriser les navires des forces de l’ordre à bord desquels ils sont embarqués à mener des patrouilles dans les eaux du pays dont ils ont la nationalité. Ces officiers peuvent, de même, appliquer les lois du pays de leur nationalité afin de réprimer les actes criminels.
La coopération a cependant des limites puisqu’aucun pays signataire ne pourra poursuivre un navire soupçonné d’avoir commis un acte de piraterie dans le territoire ou la mer territoriale d’un autre Etat sans y avoir été autorisé par ce dernier.
[1] Les pays signataires : Angola, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Libéria, Mali, Niger, Nigeria, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Sierra Leone, Tchad et Togo.
[2] Les définitions portent notamment sur les notions de « piraterie », « vols à main armée à l’encontre des navires », « actes criminels transnationaux organisés dans le domaine maritime » et « navire pirate ».